Des trous dans le bouclier : le ver des rochers du parc Algonquin

Au début des années 2000, Roger LaFontaine s’est rendu dans le parc provincial Algonquin à la recherche de créatures effrayantes comme les sangsues, les escargots, les écrevisses et les rotifères.

Au cours de cette première saison dans le parc, il a été fasciné par les énormes marques étranges laissées par un ver préhistorique dans le corridor de l’autoroute 60 du parc Algonquin. Depuis, il consacre au moins une journée par an à documenter et à étudier certaines des créatures oubliées du parc Algonquin.

De nombreux visiteurs du parc Algonquin sont émerveillés par les rivages rocheux et les affleurements rocheux exposés partout dans le parc.

Seuls les visiteurs les plus attentifs peuvent remarquer les marques révélatrices laissées par une créature fantastique qui, malheureusement, n’existe plus.

Les découvertes d’un journal perdu

Dans les années 1930, d’étranges marques ressemblant à des tunnels verticaux ont été observées dans des rochers le long de ce qui allait devenir l’autoroute 60.

Le naturaliste Walter Lepinski qui travaillait avec l’équipe de la voirie a fini par décrire la créature qui avait creusé ces tunnels précis : le ver des rochers algonquin (Petrolumbricus algonquinensis).

Il s’agit d’une espèce de gros ver fouisseur spécialisé dans le creusage de tunnels dans les rochers à l’aide de pièces buccales durcies.

Walter estime que les vers des rochers algonquins mesurent environ 10 cm de large sur 6 m de long avec un corps segmenté et des extrémités couverts d’écailles.

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Croquis original et notes de Walter Lepinski sur le ver des rochers du parc Algonquin. Image gracieuseté de la Société historique du parc Algonquin

Les observations de Lepinski ont été corroborées par des notes et des illustrations étranges trouvées dans les journaux des estimateurs de bois et des opérateurs de passes à bois avant le tournant du siècle (comm. pers., Norton Smithers, 2024).

Les notes de Lepinski datant de cette époque sont peu nombreuses, mais il a écrit dans son journal :

« Ver des rochers algonquin, Petrolumbricus algonquinensis.

Des terriers fossiles ont été trouvés le long de l’autoroute proposée à Algonquin. Ce sont les seuls terriers trouvés dans le Bouclier canadien. J’estime que les vers mesurent jusqu’à 20 pieds de long. Il doit avoir des pièces buccales durcies pour percer la roche. »

Preuves du passé de l’espèce

Malheureusement, cette espèce a été l’une des victimes de la dernière période glaciaire. L’énorme glacier qui a recouvert une grande partie de l’Amérique du Nord d’une couche de glace écrasante.

Au début de la dernière période glaciaire, il y a 100 000 ans, le ver des rochers avait disparu du paysage.

En fait, après la fonte du glacier, il y a environ 11 000 ans, il n’y avait plus du tout de vers de terre indigènes en Ontario jusqu’à ce que l’homme les introduise il y a quelques siècles.

Hélas, il n’existe aucun fossile du ver des rochers algonquin, car les animaux à corps mou se fossilisent rarement. De plus, le glacier qui a tué le ver a également éliminé une grande partie de l’Ontario de son sol et de ses roches plus tendres, y compris la plupart des roches fossilifères.

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En parcourant les routes du Bouclier canadien, on découvre les fossiles d’un ancien mystère

Aujourd’hui, on trouve des fossiles d’animaux anciens dans les régions calcaires du sud et de l’extrême nord de l’Ontario.

Pour les voir, visitez des parcs comme Parc provincial Presqu’île Parc provincial CraigleithParc provincial Kakabeka Falls. Ces parcs abritent des fossiles vieux de centaines de millions d’années!

En ce qui concerne le ver des rochers algonquin, il ne nous reste que les énormes terriers mystérieux.

Lorsque la trace ou le signe d’un animal est fossilisé, on parle de « trace fossile » ou de « trace d’activité biologique ».

Effets modernes du ver des rochers algonquin

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Photographies de l’autoroute 60 moderne dans le parc provincial Algonquin montrant les tunnels du ver des rochers algonquin. On trouve plusieurs groupes de tunnels à de nombreux endroits. Il est possible que les vers aient vécu en groupes ou qu’ils aient été creusés dans des endroits similaires sur de vastes périodes de temps. Nous ne pourrons jamais le savoir

Baptisée « ver des rochers algonquin » en hommage à l’endroit où elle a été décrite pour la première fois, cette espèce a depuis été découverte dans une grande partie de l’est du Canada et dans certaines parties du nord des États-Unis. On compte également des observations dans tout le Bouclier canadien.

Par coïncidence, cela correspond à certains des parcs et des routes les plus emblématiques de l’Ontario, tels que le parc provincial de Frontenac, la rive est de la baie Georgienne, le parc provincial du Lac-Supérieur et bien d’autres.

Aujourd’hui, nous n’avons pas beaucoup d’éléments pour reconstituer la vie et l’écologie du ver des rochers algonquin.

Les terriers verticaux que l’on peut voir en circulant le long de l’autoroute suggèrent qu’ils savaient s’orienter pour atteindre la surface et qu’ils s’y nourrissaient probablement.

Les vers modernes consomment de grandes quantités de débris forestiers tels que des feuilles mortes, et nous supposons que le ver des rochers en faisait autant.

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L’ouverture d’un terrier de ver des rochers. Notez les fragments de roche adjacents à l’ouverture du terrier. Main humaine à l’échelle. Le spécimen a été approché avec l’autorisation du surintendant

En se nourrissant, les vers modernes laissent derrière eux des excréments, appelés turricules.

Il faut imaginer les immenses tas laissés par un ver de 6 m et les nutriments répandus dans le paysage, sans parler des tas de pierres pulvérisées à l’ouverture du terrier.

Détail du terrier d’un ver des rochers. La partie supérieure du terrier a été brisée, probablement par le cycle gel-dégel qui a fissuré la roche. Le morceau correspondant a ensuite été déplacé par le recul du glacier

Bien que nous n’en soyons pas certains, on pense que les vers des rochers avaient une longue durée de vie en raison de leur taille et de la difficulté que présentait le perçage de la roche.

Nous n’avons pas encore trouvé de chambres souterraines profondes attribuées au ver des rochers, et nous pensons qu’elles sont profondément enfouies dans le sol et qu’il est donc peu probable de les trouver.

On pense que les terriers ont servi de refuge à d’autres espèces d’animaux longs et étroits, qu’il s’agisse de petits vers, de larves d’insectes, de serpents ou de belettes.

Autrefois, comme aujourd’hui, l’eau s’écoulait par ces trous, pénétrant possiblement dans le sol pour y être stockée à long terme.

En hiver, l’eau peut geler et dégeler, ce qui, au fil des millénaires, a fissuré de nombreux affleurements rocheux, créant ainsi un sol minéral dans lequel les plantes peuvent pousser.

Devenez un amateur de la nature

Vous vous demandez peut-être : « Et alors? En quoi cela est-il important? »

Nous pensons que la réponse se trouve dans le journal de Walter datant de 1936 :

« Ceux qui construisaient la route pensaient que trouver la source de ces terriers était une perte de temps, et ils me taquinaient sans relâche pour ma curiosité à ce sujet. Pour l’amateur de la nature aux yeux observateurs, tout est intéressant et instructif. »

Si vous visitez l’un de nos magnifiques parcs du Bouclier canadien cette saison, prenez le temps de chercher les terriers de l’ancien ver des rochers algonquin.

Photographiez les tunnels d’une distance sécuritaire, mais ne touchez pas à ces fossiles fragiles, car les chercheurs essaient toujours d’en apprendre autant que possible.