Trouver une place au soleil pour le chardon de Pitcher

Dans la publication d’aujourd’hui, Angela Gunn, ancienne naturaliste en chef du parc, se penche sur le chardon de Pitcher, une espèce en péril.

Près de 20 ans se sont écoulés depuis que nous avons pris conscience de l’existence du chardon de Pitcher (Cirsium pitcheri) et que nous l’avons ajouté à notre liste provinciale d’espèces en péril.

Pouvant atteindre un mètre de haut, le chardon de Pitcher projette son profil argenté et élancé sur les dunes et les rivages.

Il demande humblement son propre espace pour se développer dans des sables instables et pauvres en nutriments.

Que m’offre cette plante?

Que perdra le monde si cette espèce ne survit pas?

Qui voudrait d’une plante aussi difforme?

La vie d’un chardon

Le chardon de Pitcher passe de 3 à 11 ans sous la forme d’une petite rosette, se préparant à sa dernière année où elle produira une tige centrale florifère et des graines, puis mourra.

Les graines sont dispersées par le vent et créent souvent des colonies près de la plante mère, rappelant ainsi son héritage. Cependant, elles peuvent aussi dériver ou être transportées sur de grandes distances, s’assurant ainsi un espace au soleil.

Fleurissant en juin et juillet, parfois jusqu’en août, la fleur est une touffe rose bonbon qui s’échappe d’un bourgeon serré.

Ses feuilles sont linéaires, d’un vert pubescent, et s’écartent de la tige à des angles déterminés afin de maximiser leur exposition au soleil.

Les aiguillons à l’extrémité des feuilles donnent au chardon un air d’indifférence.

En travaillant sur le terrain, je contemple un chardon mature qui vient de produire des graines pour sa première et unique fois. Je cherche autour une rosette basale ou de jeunes pousses d’autres chardons à proximité qui prendront un jour sa place.

Une espèce sensible

Le chardon a été classé comme espèce en voie de disparition pour la première fois en 2004 et son statut a été réaffirmé en 2008 en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario. Il a été reclassé en 2011 comme espèce menacée dans la province. NatureServe a confirmé en 2020 qu’il était vulnérable à l’échelle mondiale.

Aujourd’hui, le chardon de Pitcher compte seulement quatre populations dans les parcs nationaux ou provinciaux.

Même si nous avons l’habitude d’associer les parcs aux loisirs, il est tout aussi important de se rappeler que Parcs Ontario offre un refuge et une continuité à de nombreuses espèces en péril qui, pour une raison ou une autre, ont perdu leur habitat traditionnel, souvent pour des raisons anthropiques (humaines).

Pitcher's Thistle next to boot

Bien que le chardon de Pitcher soit endémique aux Grands Lacs, les seules populations canadiennes connues se trouvent le long des rives orientales des lacs Huron et Supérieur.

À l’échelle mondiale, seuls les États-Unis et le Canada sont considérés comme son pays d’origine.

Il pousse dans des environnements de plage dynamiques, préférant le sable sec et mobile et les espaces dégagés. Les menaces qui pèsent sur cette beauté sont évidentes : l’aire de répartition extrêmement limitée et l’habitat spécialisé qu’elle requiert.

Une fois que les espaces découverts qu’il préfère sont envahis par la végétation, le chardon de Pitcher prend la clé des champs.

Découvrir sa raison d’être

Je continue à contempler le chardon et à regarder les abeilles qui visitent les fleurs pendant de courts intervalles.

Quelques mouches se joignent à la fête, trop occupées pour s’attarder.

Et c’est en observant les nombreux insectes amis qui volettent autour que je comprends. Je me souviens d’avoir lu que, de toutes les espèces végétales vivant dans les dunes, le chardon de Pitcher était celle qui recevait le plus de visites d’insectes. Dans une région où la diversité des espèces est par ailleurs faible, cette plante entretient une relation significative non pas avec un seul, mais bien avec de nombreux insectes.

Les dunes ne sont pas un milieu adapté à tous, ce qui explique en partie la moindre richesse des espèces qui y vivent.

En outre, les chardons indigènes empêchent les chardons non indigènes agressifs de s’établir.

coastal sand dunes

Cela signifie que des plantes comme le chardon de Pitcher contribuent à protéger les dunes contre les espèces envahissantes qui s’y installent et dominent, laissant ainsi de l’espace au soleil pour d’autres espèces de plantes indigènes.

Les colonies de chardons de Pitcher protègent également les formations dunaires sensibles d’autres manières. Par exemple, les humains sont moins enclins à traverser des zones où se trouvent des irritants connus tels que le chardon, l’ortie et l’herbe à puce, ce qui réduit le piétinement et l’érosion des dunes.

Je continue à fixer la tige élancée et les feuilles veloutées jusqu’à ce qu’un oiseau chanteur se nourrissant de graines de chardon passe à côté de moi, interrompant ma réflexion.

Je me rends compte que tout n’a pas pour but de servir les humains.

Accroître sa visibilité

La Loi sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario lui attribue le statut de « menacé », ce qui signifie qu’il n’est plus classé comme « en voie de disparition », mais qu’il pourrait le devenir si des mesures ne sont pas prises pour remédier aux facteurs menaçant de conduire à son extinction ou à sa disparition.

Cette loi protège d’ailleurs à la fois la plante et son habitat. En 2013, la province a adopté le programme fédéral de rétablissement pour le chardon de Pitcher. Ce programme a été élaboré en s’appuyant sur l’expertise d’universitaires et de professionnels de la conservation.

La politique propre au chardon de Pitcher, connue sous le nom de Déclaration du gouvernement en réponse au programme de rétablissement, a été publiée en 2014 et comprend l’objectif de rétablissement du gouvernement pour l’espèce, ainsi que les mesures et les priorités qu’il dirige ou soutient dans l’atteinte de cet objectif. Cette déclaration tient compte des avis scientifiques fournis dans le programme de rétablissement, lors de l’élaboration des mesures de rétablissement de l’espèce.

Ce programme recommande des campagnes de sensibilisation du public, y compris l’installation de panneaux, afin d’accroître la compréhension du public.

Pitcher's Thistle seedling
Semis de chardon de Pitcher

En 2015, l’Ontario a élaboré un règlement sur l’habitat qui définit les zones bénéficiant d’une protection en tant qu’habitat du chardon de Pitcher.

Les menaces sont à la fois naturelles (succession des dunes, le broutage par les cerfs) et humaines (modification des dunes, piétinement et utilisation de VTT). L’Ontario a constaté une augmentation des populations de chardon à certains endroits et une diminution ailleurs.

Les activités de surveillance au parc provincial Inverhuron ont fourni des données utiles pour suivre les changements au fil du temps. Au cours des quatre dernières années, nous avons observé une population stable de 1 026 à 1 372 individus répartis sur cinq emplacements distincts. De 2021 à 2022, le nombre d’individus a augmenté de 139.

Il s’agit d’une tendance positive, mais un nuage plane toujours sur le chardon de Pitcher.

Tout n’est pas perdu

Nous pouvons tous faire des choix qui protègent le chardon de Pitcher et d’autres espèces en péril.

Les enseignements autochtones sont très réfléchis en ce sens qu’ils ne regardent pas seulement vers le passé, mais aussi vers l’avenir, afin de s’assurer que l’environnement demeure intact et durable pour les générations futures.

Ils nous encouragent à aider les plantes en créant de nouvelles colonies dans de nouvelles zones d’habitats similaires.

Thistle at end of life
Le chardon en fin de vie

L’attention portée aux effets cumulatifs des altérations anthropiques en est une autre.

Le fait qu’une seule personne se promène dans la dune ou cueille une fleur sauvage une fois n’est peut-être pas si grave, mais les effets s’aggravent si tout le monde parcourt les dunes et cueille des fleurs sauvages.

Les dommages s’accélèrent avec le temps, d’autant plus que nous sommes moins consciencieux.

Les parcs ne suffisent pas à protéger les espèces menacées

La protection des espèces en péril et de leurs habitats est une responsabilité partagée. Il existe de nombreux changements, petits mais significatifs, que nous pouvons apporter dans notre vie quotidienne et qui auront un impact positif.

Pour aider le chardon de Pitcher, restez sur les sentiers officiels et les promenades, en particulier dans les écosystèmes dunaires.

Les dunes sont ainsi protégées de l’érosion et les plantes du piétinement. En agissant ainsi, vous faites équipe avec le chardon de Pitcher pour garder intact cet habitat spécial.

Loin des dunes? Plantez des espèces végétales indigènes là où vous vivez et gardez votre matériel de camping propre afin de ne pas déplacer d’espèces envahissantes dans les endroits que vous visitez.

Aidez les parcs et les groupes communautaires à éliminer les espèces envahissantes, telles que le phragmite commun, susceptible de dominer des endroits tels que l’habitat du chardon de Pitcher.

Prohibited ATV tracks in dune
Traces de VTT pourtant interdits dans les dunes

Il n’existe pas de solution miracle pour rétablir et gérer toutes les espèces menacées de l’Ontario. Il faudra la coopération de nous tous pour le sauver.

Si nous perdons le chardon de Pitcher, qu’arrivera-t-il à tous les pollinisateurs qui le visitent?

Qui d’autre pourrait protéger l’habitat sensible des dunes? Que perdrons-nous si le chardon de Pitcher perd sa place au soleil?

En savoir plus sur le chardon de Pitcher et sur les efforts déployés pour le protéger :

Cette publication est la dixième de notre série sur les espèces en péril pour 2023.

Lire notre précédente publication : Charismatique ou non charismatique… telle est la question