L’article d’aujourd’hui est extrait du blogue de Charlotte Westcott, responsable de la découverte au Parc provincial Neys
L’un des aspects les plus passionnants du travail à Parcs Ontario est de pouvoir étudier toutes les espèces différentes qui vivent dans la région.
Ici, à Neys, nous avons la chance d’observer une foule de créatures diverses qui courent, grimpent, rampent et volent dans la forêt boréale.
Pourtant, malgré notre curiosité pour cette nature qui nous entoure, il arrive que certains habitants attirent un peu moins notre attention.
Même pour certains naturalistes du parc, quelques bestioles sont parfois un peu trop… dégoûtantes! Cependant, si nous nous mettons au défi de passer outre l’aspect repoussant de ces créatures, un tout nouveau monde d’émerveillement s’offre à nous.
La faune, qu’elle soit redoutable, féroce ou amicale, recèle des histoires merveilleuses, une capacité d’adaptation étonnante et bien d’autres splendeurs qui ne demandent qu’à être découvertes. Il suffit de garder l’œil (et l’esprit) ouvert à tout!
À la découverte des sangsues
Un jour, alors que je discourais sur le merveilleux monde des zones humides auprès des visiteurs du parc, un enfant curieux s’est approché de moi en tenant une sangsue et m’a demandé ce que je savais à leur sujet.
En regardant ce tube noir qui se tortille, j’ai réalisé que j’avais complètement passé outre des sangsues dans ma quête de savoir sur les zones humides.
À l’époque, tout ce que je savais, c’est qu’il s’agissait de suceurs de sang dégoûtants et terrifiants, prêts à attaquer dès que je mettrais le pied dans une eau trouble et peu profonde.
Pourtant, en réfléchissant à cette sangsue, je me suis demandé dans quelle mesure cela était vrai.
La rencontre avec la sangsue étant parmi la faune aquatique l’une des plus redoutées par de nombreux pagayeurs ou nageurs, j’ai dû me demander combien de fois j’avais été mordue par une sangsue.
Quelle douleur avais-je ressentie? Dans quelle mesure la perturbation causée par une telle rencontre était-elle due à ma réaction plutôt qu’à la sangsue elle-même?
C’est avec ces questions à l’esprit que j’ai entrepris d’explorer le monde merveilleux des redoutables, féroces et inoffensives sangsues.
Les connaissances que j’ai acquises sur les sangsues ont totalement changé mon point de vue sur ces créatures « redoutables » et m’ont débarrassé d’une grande partie de la peur que j’éprouvais à l’idée de nager dans les lacs et les rivières!
Redoutables et féroces?
Les sangsues sont beaucoup moins dégoûtantes que je ne le pensais.
Dans mon esprit, la sangsue était un prédateur insaisissable à la recherche de sang humain. Pourtant, les sangsues ne s’intéressent pas du tout aux humains.
Les humains sont rares dans leur habitat. L’humain est une proie plutôt distante qui ne se montre qu’occasionnellement pour s’immiscer dans les eaux boueuses et piétiner l’habitat des sangsues.
En outre, sur les 35 espèces que nous avons découvertes en Ontario, la plupart ne s’intéressent pas aux humains. Les sangsues qui sont intéressées au sang humain sont qualifiées de « sangsues médicinales ».
Ce n’est pas vraiment le nom le plus effrayant qui soit!
Certaines se nourrissent de vers, d’escargots, d’œufs de poissons et d’insectes aquatiques. D’autres se nourrissent des restes d’animaux et de plantes morts.
Les sangsues plus ambitieuses ciblent les poissons, les grenouilles et les tortues. La plupart d’entre elles mènent une vie tranquille, se cachant dans des eaux stagnantes peu profondes, sous des rochers, des branches, des troncs et des feuilles en décomposition.
Les sangsues au travail : fascinant!
Les sangsues ont une ventouse principale sur la bouche (la ventouse buccale) pour rester attachées, et une ventouse sur le derrière (la ventouse postérieure) pour les aider à se déplacer.
Alors que j’imagine généralement les sangsues onduler dans l’eau, on les trouve souvent en train de faire un mouvement en boucle pour essayer de trouver des objets auxquels s’accrocher avec leur bouche ou leur derrière.
Une partie de l’effroi qu’elles suscitent a toujours été leur aspect « dégoûtant ». Ce sont des suceurs de sang, après tout; ce sont des parasites qui cherchent à se nourrir de vous!
Les moustiques et les tiques sont bien connus pour les maladies qu’ils véhiculent, mais ils n’ont pas le « facteur répugnant » que les sangsues humides et visqueuses projettent.
Cependant, les sangsues sont des convives étonnamment polies. Elles ne sont porteuses d’aucune maladie connue et font même le ménage au passage!
Amicales? Vraiment?
Avez-vous déjà été mordu par une sangsue? Combien de temps vous a-t-il fallu pour vous rendre compte de sa présence? À quel point cela a-t-il fait mal?
Des couleurs amusantes! Regardez ces taches et ces rayures. On peut également la voir s’étirer vers l’avant en essayant de trouver quelque chose à quoi s’accrocher.
Au fil des ans, j’ai été mordue par quelques sangsues lors d’excursions en canoë dans l’arrière-pays et d’aventures de baignade malheureuses.
L’une des morsures de sangsue les plus mémorables que j’ai eues, c’est lorsqu’une sangsue s’est glissée sous ma chaussette et s’est accrochée à moi après un portage.
Je n’ai remarqué sa présence qu’une trentaine de minutes plus tard, lorsque j’ai baissé ma chaussette pour gratter une démangeaison et que j’ai accidentellement caressé une sangsue à la place! (J’ai peut-être un peu crié.)
Pourtant, une fois la frayeur initiale passée, j’ai réalisé qu’elle était restée dans ma chaussette sans broncher pendant un bon moment.
Avec une curiosité détachée, je me suis rendu compte que la morsure ne faisait pas mal du tout. Elle n’avait laissé qu’une légère sensation de démangeaison. Lorsque nous avons atteint le bord du lac et que nous nous sommes arrêtés pour l’enlever, mon petit compagnon s’était déjà détaché et était prêt à repartir.
Sangsues médicinales
La sangsue la plus connue en Ontario est la sangsue médicinale américaine. Loin des étiquettes effrayantes comme la sangsue vampire ou la suceuse de sang, les sangsues médicinales sont nommées pour leur utilité.
Alors que nous pourrions penser que la contribution des sangsues à la médecine est réservée à des pratiques médiévales, elles ont toujours leur place dans la médecine moderne et sont utilisées pour aspirer le sang des parties du corps qui ont été rattachées et pour relancer la circulation!
Leur rôle dans la médecine moderne est en partie lié à leur salive.
La salive de sangsue est composée de deux éléments principaux. Le premier est un anticoagulant qui fluidifie le sang et accélère le flux pour que la sangsue puisse se nourrir davantage.
Le second est un agent anesthésiant — les sangsues ont évolué pour vous mordre avec discrétion! Il leur faut environ 45 minutes pour se rassasier : elles ne veulent pas que vous tressailliez de douleur et que vous paniquiez pour les retirer avant qu’elles n’aient fini de manger.
C’est ainsi que mon compagnon de randonnée a pu rester si longtemps dans le haut de ma chaussette.
Bien que les morsures de sangsues soient souvent perçues comme une expérience douloureuse et effrayante, la façon dont nous traitons ces petites bêtes gluantes est possiblement encore plus inquiétante.
Laissez-les donc digérer en paix!
Les deux remèdes maison les plus courants pour éliminer les sangsues consistent à les saler ou à les enflammer.
La raison pour laquelle ces solutions les font lâcher prise est bien simple : comment réagiriez-vous si on vous couvrait de sel ou on tentait de vous enflammer? EIles se mettent évidemment à paniquer.
Sauf que les sangsues ont une réaction très spécifique à la panique… elles vomissent! Ainsi, si vous utilisez du sel ou du feu pour éliminer une sangsue, vous vous exposez au risque qu’elle vomisse son dernier repas sur vous.
Ces méthodes « traditionnelles » de traitement des sangsues sont encore plus dangereuses que la sangsue elle-même.
Il existe une meilleure solution
Vous avez deux possibilités pour éliminer une sangsue sans qu’elle vomisse son repas :
- Attendez qu’elles se détachent. Selon le moment où vous avez remarqué la sangsue sur vous, cela peut prendre jusqu’à 45 minutes.
- Si vous ne pouvez pas attendre, glissez rapidement une carte de crédit ou un objet similaire entre la sangsue et votre peau pour l’éloigner de vous avant qu’elle n’ait le temps de réagir.
Voir les sangsues autrement
La leçon que j’ai tirée de mon observation des sangsues a depuis changé la façon dont j’aborde mon travail.
Chaque jour, je me demande quels trésors de la forêt boréale m’échappent encore et je suis constamment à la recherche de nouveaux spécimens à étudier avec mes collègues.
Si une créature universellement détestée comme les sangsues peut receler tant de merveilles et de mystères, qu’y a-t-il d’autre à découvrir?