Se lier d’amitié avec les êtres du parc provincial du Lac-Supérieur

Le billet d’aujourd’hui nous vient de Zahra Ebrahim, artiste en résidence de 2022 du parc provincial du Lac-Supérieur.

C’est au printemps 2022 que j’ai reçu un appel des Amis du parc provincial du Lac-Supérieur (en anglais seulement) qui m’annonçait que j’avais été sélectionnée comme l’une des deux artistes en résidence de 2022.

Le lac Supérieur a joué un rôle important dans ma vie.

Lorsque j’étais jeune, ma famille a immigré du Kenya au Canada et s’est installée à Vancouver.

L’océan Pacifique m’a accompagnée pendant que je grandissais, m’aidant à ressentir un profond sentiment d’appartenance dans une ville et une collectivité qui n’avaient pas encore compris comment accueillir les familles racisées et intersectionnelles.

Les eaux du Pacifique m’ont permis de faire le lien avec les eaux côtières de l’océan Indien où ma famille avait grandi, et ont servi de toile de fond à certains de nos moments les plus mémorables.

Il y a 15 ans, j’ai déménagé en Ontario et je suis partie à l’aventure dans ses paysages spectaculaires. Mais ce n’est que lorsque j’ai campé pour la première fois près du lac Supérieur que j’ai ressenti le même sentiment d’appartenance que sur la côte ouest.

Trouver l’inspiration

Le lac Supérieur a été un baume, un répit qui m’a aidée à me retrouver, à renouer avec ma famille et avec la collectivité du monde naturel et spirituel.

Être choisie comme artiste en résidence a été pour moi un moment important pour resserrer ces liens, pour trouver un moyen de remercier la terre et les êtres au-delà de l’humain pour tout ce qu’ils offrent, mais aussi pour profiter de l’occasion pour décoloniser ma propre pratique artistique.

Dans les mois qui ont précédé la résidence, la sagesse d’artistes et d’écrivains autochtones comme Suzanne Kite, Ange Loft et Robin Wall Kimmerer ont été pour moi une source d’inspiration.

J’ai décidé de me concentrer pendant cette résidence non seulement sur la création d’une représentation visuelle du paysage, mais aussi en cherchant des moyens d’écouter ses récits, de dialoguer avec les êtres au-delà de l’humain (plantes, animaux, pierres, etc.), de communiquer avec les ancêtres, et de relater ces histoires et ces conversations par une combinaison de mots, d’images et de dessins.

L’anse Katherine a été l’une des nombreuses sources d’inspiration de ma résidence

J’ai choisi de réunir toutes ces expériences dans un zine, une publication qui a toujours servi de plateforme permettant à des voix moins écoutées de s’exprimer sans les contraintes des médias traditionnels.

Les zines sont un véhicule pour les idées, l’expression et l’art. Ils établissent un rapport entre les personnes et les groupes, fournissant des modes de communication qui s’ajoutent à la diffusion de l’information.

Premier d’une série de portraits de données où j’ai répertorié mes rythmes et mes activités de la journée. Des portraits de chaque jour figurent partout dans le zine

Mon intention était de me concentrer sur le processus plutôt que sur le résultat, d’écouter intentionnellement la terre et de faire des offres et des engagements en retour.

Plus important encore, ce fut l’occasion de recalibrer mon approche de « l’engagement communautaire » qui imprègne tous les aspects de ma pratique professionnelle et artistique, et d’apprendre à aller au-delà du dialogue exclusivement avec les humains.

Un rythme stabilisateur

J’ai passé huit jours d’affilée au camping de la baie Agawa (mon endroit préféré près du lac Supérieur).

Chaque jour, ma tâche était de prendre les choses doucement, d’être attentive à mes propres rythmes et à ceux des êtres qui m’entourent, et de favoriser une situation où j’étais à l’écoute.

Les jours de pluie, je passais du temps dans notre tente à écouter le chant de la pluie et à apprendre à connaître les pierres que j’avais trouvées ce jour-là : unakite, quartz laiteux, basalte, jaspe bréchique et serpentinite.

Apprendre à connaître les personnalités, les offres et les caractéristiques particulières des pierres pour établir une relation plus réciproque

**Remarque : les visiteurs sont invités à explorer les parcs provinciaux et sont priés de les laisser dans l’état où ils les ont trouvés pour que d’autres puissent les découvrir. Il est interdit d’enlever tout objet naturel d’un parc provincial.**

Les matins lumineux, j’ai utilisé la gravure sur bois pour produire des dessins de contour du lac, reproduisant les nombreuses courbes et les bords doux de ce plan d’eau à la fois puissant et intimidant.

Gravures sur linoléum créées au camping de la baie Agawa qui illustrent les courbes de la rive du lac Supérieur. C’est une façon d’honorer la terre, en dessinant ses courbes avec intentionnalité et amour (inspirée par Ange Loft)

Les après-midi de chaleur, je me suis réfugiée à l’ombre fraîche des sentiers du camping, où l’extraordinaire équipe de Parcs Ontario nous a appris comment se servir de nos sens pour mieux comprendre le monde naturel qui nous entoure et apprécier les mondes en miniature des univers qui vivent dans la mousse.

Et par nuit claire, nous avons passé nos soirées autour du feu avec la lune, en contemplant toutes les façons dont elle évolue dans le paysage.

Observation des phases de la lune pendant la résidence en juillet 2022

Dans le cadre de ma résidence, j’ai eu l’occasion d’organiser un programme public pour les visiteurs du parc, un petit atelier inspiré du Treaty Guide for Torontonians d’Ange Loft.

Cet atelier public avait pour objectif d’aider les autres à créer une reconnaissance visuelle de la terre et à acquérir une conscience de donner en retour aux êtres du parc du Lac-Supérieur

Nous avons dessiné ce qui nous tenait à cœur au sujet du lac et de la terre, nous avons écrit tout ce que nous aimions au sujet de ces éléments particuliers, puis nous avons pris des engagements et fait des offres en retour.

Cette activité a attiré des visiteurs de tous les âges, menant à une conversation sur les façons dont nous sommes tous liés – par notre amour profond pour le parc du Lac-Supérieur.

Finir le zine

Dans les mois qui ont suivi la résidence, j’ai commencé à assembler les « pages » une par une, en essayant d’honorer au mieux la profondeur du lien que je ressentais avec tous les êtres au-delà de l’humain du parc du Lac-Supérieur, et c’est ainsi que le zine a vu le jour.

La beauté du zine en tant que résultat de ce processus est qu’il peut être reproduit à peu de frais, ce qui rend l’art accessible au plus grand nombre et constitue un moyen salutaire de ramener chez soi un volet de l’expérience du parc. Avec un peu de chance, vous pourriez en obtenir un exemplaire gratuit la prochaine fois que vous visitez le parc!

Les zines terminés, assemblés et prêts à être envoyés au parc du Lac-Supérieur!

Un autre aspect merveilleux de la création de zines est qu’il s’agit d’une œuvre d’art vivante, qui peut continuer à évoluer et à changer au fil des ans, partagée et co-créée par de nombreuses personnes, qui ne produit pas de déchets et n’utilise pas de matériaux toxiques.

Apprécier le parc

La prochaine fois que vous serez au parc du Lac-Supérieur, sachez que même si nous le voyons comme un lieu serein et tranquille, il est le foyer actif d’une multitude d’êtres — une métropole vibrante et cacophonique d’écologies, de systèmes et d’êtres de nombreux microcosmes — avec lesquels nous avons le privilège de partager l’espace.

Lors d’une conférence donnée en 2022 au festival EYEO de Minneapolis, Suzanne Kite a expliqué que si une pierre se trouve sur votre parcours, c’est qu’elle veut vous raconter son histoire.

Si vous en avez la possibilité, et si l’occasion se présente, ralentissez le pas et écoutez. Les histoires que vous entendrez vous surprendront.

En 2023, c’est la tatoueuse Alex Berens qui sera l’artiste en résidence des Amis du parc provincial du Lac-Supérieur. Dans le cadre de sa résidence, elle se concentrera sur le tapis forestier.

Alex sera à la baie Agawa au début du mois d’août et présentera aux visiteurs du parc deux programmes sur la journalisation dans la nature.