Orphelines à cause de la période glaciaire

Le billet d’aujourd’hui a été rédigé par Cara Freitag, naturaliste au parc provincial Sleeping Giant.

L’une des histoires les plus intéressantes qu’une petite plante arbustive et basse peut raconter est celles des espèces de plantes arctiques isolées de Sleeping Giant.

Ces plantes ont survécu à un périple de plus de 850 km : une distance presque infinie pour des petites plantes comme la saxifrage incrustée (voir ci-dessus).

Provenant d’une zone géologique appelée aujourd’hui parc provincial Polar Bear, ces plantes ont trouvé des microclimats leur permettant de pousser aussi au parc Sleeping Giant (et nous sommes bien heureux qu’il en soit ainsi!).

Les microclimats de Sleeping Giant

Les microclimats du parc provincial Sleeping Giant offrent un habitat pour les plantes arctiques qui cherchent à s’étendre sur de nouveaux terrains.

On trouve ces plantes sur les falaises du Géant ainsi que sur les rivages rocheux exposés de l’ouest du parc.

Au havre Tee, la grassette vulgaire et la primevère farineuse poussent au bord des mares printanières qui se forment dans les rainures creusées par les glaciers, exposées aux vents mordants qui soufflent du lac Supérieur.

The ephemeral pools at Tee Harbour on Lake Superior
Des mares printanières au havre Tee du lac Supérieur

À la baie Middlebrun, dans le froid intense de l’eau des tourbières intérieures, on devine la présence de la camarine hermaphrodite et de l’airelle rouge. Ces petites plantes basses sont parfois difficiles à trouver, mais elles aiment la tourbière qui s’étend près du lac Supérieur.

Qu’est-ce qu’une plante arctique?

A cluster of Knotted Pearlwort huddled together against the wind
De la sagine noueuse qui pousse en grappe pour se protéger du vent

Généralement, ce sont des plantes assez petites qui poussent près du sol pour faire face aux vents mordants de l’Arctique.

De nombreuses plantes présentent des petites feuilles à la base de la tige seulement, tandis que d’autres ont des feuilles épaisses et cireuses pour éviter la perte d’eau.

Les plantes arctiques poussent généralement en grappes serrées pour se protéger du vent et de la neige de l’Arctique.

Comment sont-elles arrivées ici?

La période glaciaire, véritable force puissante de la nature, a marqué à jamais le paysage de l’Ontario.

Ce paysage offre aujourd’hui un magnifique abri propice à la vie.

purple flower in mossy crack of rock
La primevère farineuse sur le rivage rocheux du havre Tee

Les traces des anciens glaciers, comme les rochers rabotés, sont partout dans la province, Au parc provincial Sleeping Giant, ce sont les longues stries parallèles du substrat rocheux, les bassins lacustres et les cuestas (collines à pente douce d’un côté et raide de l’autre).

Durant la dernière période glaciaire, la nappe glaciaire Laurentide recouvrait presque tout le Canada, atteignant plusieurs kilomètres d’épaisseur à certains endroits.

Quand la nappe glaciaire s’élargissait, elle raclait les sols et emportait dans son sillage des sédiments et des graines de plantes.

Lors de la retraite graduelle des glaciers il y a 10 000 ans environ, ces petites graines sont restées sur place – bien adaptées au climat de toundra ambiant.

white flower surrounded by lichen
Une potentille tridentée au sommet du sentier Pass Lake Overlook : un affleurement plat, venteux et exposé

Ces plantes « relocalisées » avaient trouvé un lieu pour se développer.

La zone du parc offrait un milieu idéal pour ces espèces de plantes arctiques, mais le climat changeait encore.

Les glaciers, en continuant de se retirer, ont arraché les couches de roches sédimentaires plus molles, ce qui a exposé la formation rocheuse de Sleeping Giant que nous connaissons aujourd’hui – et que nous apprécions tant.

De plus, ces glaciers ont creusé des bassins immenses, les futurs Grands Lacs, qui se sont remplis de l’eau de la fonte des glaces.

Avec le temps, le climat est devenu ce qu’il est aujourd’hui et les seules plantes arctiques qui ont survécu sont celles qui se trouvaient à proximité des eaux froides du lac Supérieur.

C’est pour cela qu’on les appelle des plantes arctiques isolées : leurs congénères se développent dans l’Arctique, mais celles-ci poussent loin de leur aire de répartition habituelle et constituent une population isolée dans le parc.

Comment ont-elles pu rester?

Grâce au lac Supérieur, la région environnante reste plus froide que les zones intérieures, ce qui offre un habitat à des espèces qui ne pourraient sinon pas y survivre.

Abandonnées par la même période glaciaire qui a formé le Géant, les plantes arctiques isolées sont protégées par les microclimats du littoral et les falaises du parc provincial Sleeping Giant.

Qu’est qu’un microclimat?

Voyons d’abord ce qu’est un climat.

Un climat représente la température et les précipitations moyennes à long terme d’une très grande région (comme la forêt boréale, la toundra ou le désert).

D’autre part, un microclimat concerne une petite région dont le climat se démarque de celui de la grande région environnante.

Common Butterwort
La grassette vulgaire pousse dans une faille rocheuse – son lieu préféré

Avez-vous déjà eu l’impression en marchant de vous trouver tout à coup dans un autre climat? Parmi les lieux où cela se produit, on pense à une caverne (il y fait plus froid), au versant ensoleillé d’une colline (il y fait plus chaud) et à une forêt (il y fait plus frais).

Les plantes arctiques isolées survivent ici grâce à l’effet refroidissant des régimes climatiques créés par le lac Supérieur offrant des petits microclimats similaires à leur climat d’origine dans l’Arctique.

Un lieu alliant joie et sécurité

Quel est votre emplacement préféré?

C’est votre maison, votre chalet ou peut-être même un parc provincial! Tout comme les plantes arctiques isolées qui ont besoin d’un microclimat propice pour grandir, nous avons besoin d’un certain milieu pour nous sentir heureux et en sécurité : notre microclimat personnel.

two people looking out at water

Un microclimat n’est pas seulement un lieu; c’est aussi ce qui s’y trouve.

Les parcs comme Sleeping Giant protègent les microclimats des plantes arctiques isolées. Grâce à eux, les espèces isolées auront toujours un habitat où s’épanouir.

Découvrez ces plantes minuscules et tenaces au parc provincial Sleeping Giant!