Le billet d’aujourd’hui a été préparé par Nicholas Ypelaar, ancien aide-coordonnateur du programme Découverte au parc provincial Awanda.
« BERK! DES SERPENTS! » et tous les cris effrayants du même genre sont des phrases qui me sont trop familières.
À la défense de tous ceux qui n’ont aucune affinité avec l’ensemble des reptiles dans le monde sans bras ni pattes, mais qui sont dotés d’écailles, je peux les comprendre. Ma grand-mère a grandi à Goa, en Inde, où les serpents venimeux comme les cobras et les bongares sont monnaie courante.
En tant qu’humains, nous avons l’habitude de développer des peurs en fonction de ce que nous percevons comme dangereux afin de nous aider à survivre. Nous ne sommes cependant pas la seule espèce qui tente de survivre.
J’aimerais réfuter le mythe entourant la dangerosité des serpents de l’Ontario en utilisant l’exemple d’un « mauvais sujet » particulier, la couleuvre à nez plat de l’Est, une espèce menacée.
Les serpents nous offrent un aperçu fascinant du large éventail que revêt la biodiversité dans notre province.
Dans les plus de 340 parcs provinciaux de l’Ontario, on compte une variété d’habitats forestiers, en terre, en pierres arides et semi-aquatiques qui abritent 15 espèces différentes de serpents.
Cependant, sur les 15 espèces, aucune ne peut prétendre posséder le comportement original de la couleuvre à nez plat de l’Est.
Une apparence nasale intéressante, un comportement trop dramatique et une aptitude pour trouver des crapauds ne sont que quelques-unes des raisons pour lesquelles la couleuvre à nez plat de l’Est est mon espèce préférée.
Malgré tous les coins que j’ai explorés dans la province (merci papa pour tous les voyages de camping dans des parcs provinciaux!), ce n’est que lorsque j’ai commencé à travailler comme naturaliste étudiant au parc Awenda que j’ai pu voir ma toute première couleuvre à nez plat de l’Est.
Ça fait déjà six ans et c’est comme si cet animal extraordinaire m’avait suivi à chaque pas (ou glissade!) de mon parcours comme naturaliste.
Comédien en chef du monde des serpents
La couleuvre à nez plat de l’Est est un serpent de taille moyenne, endémique dans l’Est de l’Amérique du Nord.
Comme son nom le laisse à penser, ce serpent avec un crochet à l’arrière se distingue par un nez tourné vers le ciel, qui a une certaine ressemblance avec celui d’un chien.
L’autre caractéristique distinctive de cette espèce de serpent est les deux marques noires proéminentes sur son cou, qu’il a tendance à aplatir (comme le « capuchon » d’un cobra) quand il se sent menacé.
Bien qu’elle semble parfois porter un capuchon menaçant, la couleuvre à nez plat de l’Est n’est pas venimeuse et fuira vraisemblablement au lieu d’attaquer.
Si le sifflement et l’aplatissement de son cou ne suffisent pas à effrayer un prédateur potentiel, la couleuvre à nez plat de l’Est sécrètera du musc très fétide qui ressemble à des relents de chair en décomposition.
Comme je l’ai appris à la dure lors de mon deuxième été au parc Awenda, ramasser une couleuvre à nez plat de l’Est pour la mesurer et la peser peut parfois avoir pour résultat une déplaisante odeur de musc qui imprègne vos narines pour une assez longue période.
Horrible, mais efficace!
Si l’odeur putride ne fonctionne pas, la couleuvre à nez plat de l’Est manifestera ses talents d’actrice, déployant une « fausse morsure », se projetant vers l’avant, frappant avec la bouche fermée dans une ultime tentative inoffensive d’effrayer les prédateurs en puissance.
Est-ce que cela apaise vos craintes?
Si aucune de ces astuces ne fonctionne et que la couleuvre ne peut pas s’échapper, elle « fera le mort » en roulant sur son dos, la bouche grande ouverte et la langue pendant à l’extérieur.
Elle ne gagnerait pas d’Oscar pour sa prestation, mais les éventuels spectateurs apprécieraient ses efforts. Malgré son extravagante posture défensive, la couleuvre à nez plat de l’Est est sans danger pour les humains.
À la recherche d’amis
Ici, au parc Awenda, nous recevons à l’occasion des appels provenant de propriétaires de chalet qui trouvent des serpents sur leur propriété et demandent, apeurés que nous les déplacions.
Une telle occasion s’est présentée en 2017, mon premier été au parc Awenda.
Une vue rapprochée de la jeune couleuvre à nez plat de l’Est révèle un individu docile, plus préoccupé à trouver des crapauds qu’à ennuyer des humains
Les propriétaires du chalet et moi étions stupéfaits de la docilité et du calme de la couleuvre à nez plat juvénile une fois que le naturaliste en chef du parc l’eut ramassée.
Après une rapide discussion pour démystifier les prouesses d’acteur de l’espèce, nous avons pu déplacer précautionneusement la couleuvre à l’écart du chalet avec l’accord des propriétaires tout en gardant leur nouvel ami pas trop loin d’eux.
Adieu phobies, un nouvel intendant de la couleuvre à nez plat était né!
Les effets théâtraux entraînent souvent de mauvaises critiques
Au Canada, la couleuvre à nez plat de l’Est se trouve uniquement en Ontario. Son territoire est limité à la région carolinienne et au centre de l’Ontario, à l’est de la baie Georgienne et au sud de la rivière French.
À la différence d’autres serpents, comme la couleuvre rayée qui habite dans un large éventail d’habitats, la couleuvre à nez plat a des besoins très particuliers en matière d’habitat.
Malheureusement, on soupçonne que le déclin de la population de couleuvre à nez plat de l’Ontario est supérieur à 30 % à l’échelle de la province sur une période de 20 ans, ce qui a entraîné la désignation de l’espèce comme espèce en péril.
La mortalité routière, la perte d’habitat et la persécution par les humains constituent certaines des plus importantes menaces auxquelles la couleuvre à nez plat de l’Est est confrontée.
Parcs Ontario offre un refuge sécuritaire à l’abri de l’aménagement de terrains et de la fragmentation de l’habitat, mais la mortalité routière reste une menace constante.
Comme elles n’ont pas de pattes, les couleuvres à nez plat sont des animaux qui se déplacent lentement et les routes représentent des obstacles qui entraînent des décès ou l’isolement géographique.
Même si elles se déplacent lentement, on a observé des couleuvres à nez plat de l’Est ayant parfois une aire vitale de plus de 100 hectares. C’est aussi vaste que le parc provincial rivière Rideau!
De cette mobilité accrue découle un nombre plus élevé de rencontres avec des routes, ce qui a pour résultat un taux de mortalité routière regrettablement élevé.
Voici comment vous pouvez aider :
Levez le pied pour les serpents
Une des choses les plus simples et les plus utiles que vous pouvez faire pour les couleuvres à nez plat est de conduire plus lentement!
En plus de vous permettre de mieux profiter de balades panoramiques à travers votre parc provincial préféré, cela vous donnera suffisamment de temps de ralentir et de freiner pour les serpents et couleuvres.
Au cours des dernières années, j’ai malheureusement trouvé plusieurs couleuvres à nez plat mortes sur les routes du parc.
Au parc Awenda, nous avons installé plusieurs panneaux de passages pour animaux afin d’aider à rappeler à la population que nous partageons les routes de notre parc avec des couleuvres et d’autres animaux sauvages.
Si cela est sécuritaire, vous pourriez même faire un pas de plus et prendre le temps de guider ou de déplacer la couleuvre à l’écart de la route.
Engagez-vous dans la science communautaire
Comme mes camarades naturalistes et mes collègues vous le diront, une révolution est en marche en matière de protection de la nature.
Le pionnier en ce domaine est l’incroyable application scientifique iNaturalist!
Comme d’autres plateformes de science communautaire, iNaturalist permet à tout le monde de participer à la science et à la protection de la nature constructives.
Il s’agit simplement de prendre une photo de l’organisme que vous avez vu (comme une couleuvre chassant des crapauds ou traversant une route ou même un spécimen mort) et de cliquer sur un bouton pour la téléverser sur le plus grand réseau virtuel mondial de scientifiques et d’amateurs de nature.
Parce qu’on ne les trouve jamais en densités élevées et aussi en raison de leur nature solitaire et leurs vastes aires de répartition géographiques, une étude exhaustive de la population des couleuvres à nez plat représente une tâche difficile.
La surveillance d’animaux furtifs et fuyants comme les couleuvres à nez plat de l’Est à plus grande échelle est impossible sans votre aide!
N’ayez pas peur de la couleuvre à nez plat
La perception du public relative aux serpents semble s’être drastiquement améliorée en Ontario au cours de dernières années.
Même si plusieurs d’entre nous n’aiment absolument pas les serpents, plusieurs humains ont appris à les tolérer.
Je vous mets d’ailleurs au défi : si vous êtes assez chanceux pour rencontrer une couleuvre à nez plat de l’Est, ou tout autre serpent en Ontario, essayez de ne pas crier et de reculer comme ma grand-mère l’aurait fait.
Votre humble serviteur avec une couleuvre à nez plat de l’Est. Allez, nommez un duo plus iconique… j’attends votre réponse!
Puisque les cours de théâtre sont hors de question, c’est à vous d’agir en leur nom. Ce n’est pas le moment de baisser le rideau sur cette espèce menacée.
Par ailleurs, comme nous sommes tous en mesure d’apprécier un bon western spaghetti, vous aurez peut-être un jour la chance de voir de vos propres yeux sa redoutable performance!
En raison des pressions accrues liées au changement climatique, au développement urbain et à la perte d’habitat, la couleuvre à nez plat de l’Est a besoin de votre aide.
Contrairement à elle, nous avons des mains à tendre…
C’est donc à vous d’agir pour l’amour des serpents!
Il s’agit de la huitième édition de notre série 2023 sur les espèces en péril.
Lisez notre billet précédent : « Pîînt! Pîînt! », voici l’engoulevent d’Amérique
Pourquoi vos scientifiques ramassent-ils des animaux sauvages? Puis-je moi aussi ramasser des serpents et des tortues?
S’il vous plaît, ne manipulez pas d’oiseaux, de mammifères ou de reptiles à moins que ce soit pour les aider à sortir de la route de façon sécuritaire ou que vous le fassiez avec le personnel du parc. Les membres du personnel que nous mettons ici en vedette sont des biologistes formés qui participent à des recherches professionnelles. Ces biologistes respectent un protocole sévère en matière de soins animaliers qui est approuvé par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts. Ces protocoles examinent le résultat souhaité de la recherche et s’assurent que des mesures sont prises pour que l’animal subisse le moins de stress possible. Nous vous demandons de toujours observer les animaux à distance, tant pour votre sécurité que pour celle de l’animal.